La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est un mécanisme juridique qui vise à protéger les droits des salariés contre les abus potentiels des employeurs. Selon la jurisprudence, l’absence de signature du contrat de travail à durée déterminée par le salarié entraîne généralement la requalification de ce contrat en CDI. Cependant, la mauvaise foi et l’intention frauduleuse du salarié peuvent faire échec à cette requalification, comme l'a rappelé la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 22 mai 2024 (n°22-11.623).

Sommaire

LE PRINCIPE DE LA REQUALIFICATION EN CAS D'ABSENCE DE SIGNATURE

La Signature : Une prescription d’Ordre Public

La signature d’un contrat de travail à durée déterminée est une exigence légale fondamentale. Elle assure que le salarié a pris connaissance des termes du contrat et qu’il accepte les conditions de son engagement. L'article L.1242-12 du Code du travail précise que le CDD doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Cette disposition vise à prévenir les fraudes et à protéger les droits des salariés.

Quid de la Jurisprudence en matière de requalification

La jurisprudence de la Cour de cassation a maintes fois confirmé que l'absence de signature du salarié sur le CDD entraîne sa requalification en CDI. Cette requalification automatique vise à compenser le déséquilibre qui peut exister entre l’employeur et le salarié et à sanctionner l'employeur pour non-respect des obligations légales en matière de rédaction de contrat.
Dans son arrêt du 22 mai 2024 (n°22-11.623), la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé ce principe en soulignant que la signature du CDD est une prescription d’ordre public. Ainsi, son omission, à la demande du salarié, entraîne la requalification en CDI. La Cour a également précisé que cette règle vise à garantir la transparence et la sécurité juridique des relations de travail.

L’EXCEPTION : LA MAUVAISE FOI ET L’INTENTION FRAUDULEUSE DU SALARIÉ

Le Refus délibéré de signer

Cependant, la Cour de cassation a également introduit une nuance importante : l’absence de signature du salarié ne peut pas entraîner la requalification en CDI si cette absence résulte du refus délibéré du salarié de signer le contrat de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse. En d’autres termes, le salarié ne peut pas se prévaloir de la protection offerte par l'article L.1242-12 du Code du travail s’il a lui-même refusé de signer le contrat dans le but de créer une situation favorable à une requalification ultérieure.

Démonstration de la mauvaise foi et de l’intention frauduleuse

Pour que l’exception soit applicable, l’employeur doit démontrer la mauvaise foi et l’intention frauduleuse du salarié. Cela peut inclure des preuves telles que des correspondances où le salarié exprime son refus de signer sans raison valable, des témoignages de tierces parties ou des comportements du salarié indiquant une volonté délibérée de nuire à l’employeur. La charge de la preuve repose sur l’employeur, qui doit prouver que le refus de signer n’est pas motivé par une simple négligence ou une incompréhension, mais bien par une intention malveillante.
L’arrêt du 22 mai 2024 s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle où la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur des cas de mauvaise foi et d’intention frauduleuse. Par exemple, dans des décisions antérieures, la Cour avait rejeté la demande de requalification lorsque le salarié avait clairement utilisé la situation à des fins personnelles abusives. Cette jurisprudence vise à équilibrer les intérêts des deux parties en évitant que les salariés abusent de la législation protectrice.

IMPLICATIONS POUR LES EMPLOYEURS ET LES SALARIÉS

Pour les Employeurs
Les employeurs doivent être particulièrement vigilants lors de la rédaction et de la signature des CDD. Ils doivent s'assurer que toutes les formalités sont respectées et que le contrat est dûment signé par le salarié. En cas de refus de signer, il est important de documenter toutes les tentatives de faire signer le contrat et de recueillir des preuves de la mauvaise foi ou de l’intention frauduleuse, si applicable.

Pour les Salariés
Les salariés doivent comprendre que leur protection contre la requalification abusive des CDD en CDI repose sur leur bonne foi. Refuser de signer un CDD sans motif légitime, dans l’intention de forcer une requalification ultérieure, peut se retourner contre eux. La transparence et la communication avec l’employeur sont essentielles pour éviter des conflits juridiques.

CONSEILS PRATIQUES

- Pour les employeurs :
- Toujours fournir un contrat écrit avant le début de l'emploi.
- Conserver des preuves de la remise du contrat au salarié.
- Documenter les raisons du refus de signer du salarié et les actions entreprises pour résoudre le problème.

- Pour les salariés :
- Lire attentivement le contrat avant de le signer.
- Demander des clarifications sur les points ambigus du contrat.
- Signaler immédiatement tout désaccord ou problème à l'employeur.