L’utilisation de l’image du salarié par l’employeur : cadre légal et limites
Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, sa reproduction ou son utilisation sans autorisation préalable. L’autorisation est requise même pour une diffusion limitée à des documents internes à l’entreprise. En cas d’autorisation accordée par le salarié, celle-ci est valable uniquement pour les supports compris dans le périmètre qu’elle vise. Ainsi, un salarié peut interdire l’utilisation de son image s’il n’a pas donné son consentement explicite pour chaque type d’utilisation. Même si un salarié a accepté d’être pris en photo, cela ne signifie pas qu’il a donné son accord pour l’utilisation de cette image dans tous les supports possibles, comme une affiche promotionnelle. L’employeur commet une faute en utilisant la photo d’un salarié à des fins publicitaires ou promotionnelles sans une autorisation spécifique et claire pour cet usage précis.
La protection du droit à l'image est renforcée par des lois telles que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui réglemente la collecte et le traitement des données personnelles, y compris les images. En vertu du RGPD, toute collecte ou utilisation d'images doit être fondée sur un motif légal et transparent, et les individus ont le droit de demander la suppression de leurs données personnelles, y compris leurs images.
Une clause d’utilisation du droit à l’image doit être précise et détaillée. Elle doit mentionner la durée de l’autorisation, les supports sur lesquels les images pourront être diffusées (réseau interne, photographies, réseaux sociaux, plaquettes, vidéos), et éventuellement la zone géographique d’utilisation. La clause doit également préciser si l’autorisation est gratuite ou si elle donne lieu à une contrepartie financière. Il faut inclure aussi des dispositions concernant le sort de l’autorisation en cas de rupture du contrat de travail, notamment pour éviter toute ambiguïté sur la durée pendant laquelle l’image du salarié pourra continuer à être utilisée après son départ.
Le consentement préalable du salarié : une obligation essentielle
La gestion du droit à l’image repose essentiellement sur l’obtention et la conservation du consentement préalable des salariés. Ce consentement ne disparaît pas avec le contrat de travail et doit être respecté aussi longtemps que l’image de l’ancien salarié reste utilisée. Pour que le consentement soit valide, celui-ci doit être clair, précis, explicite et libre de toute ambiguïté.
Les éléments clés pour un consentement valide
Le consentement doit inclure plusieurs éléments essentiels :
- Identification du collaborateur et de l’employeur : Les parties concernées doivent être clairement identifiées.
- Description détaillée du projet : Les finalités et modalités d'utilisation des images doivent être clairement expliquées.
- Modalités d’utilisation des images : Il doit être spécifié comment et où les images seront utilisées.
- Supports de diffusion : Tous les supports potentiels de diffusion doivent être mentionnés (internet, brochures, affiches, etc.).
- Étendue géographique et temporelle de la diffusion : La portée géographique et la durée de l'utilisation des images doivent être définies.
- Arrangements financiers : Toute contrepartie financière liée à l'utilisation des images doit être précisée.
Le consentement devrait, de préférence, être stipulé dans une clause spécifique du contrat de travail ou, à défaut, dans un acte spécial manifestant cette autorisation. Il est crucial pour l’employeur de considérer la durée de validité du consentement et les conditions de sa révocation, car le droit à l’image est personnel et incessible, permettant à l’ancien salarié de retirer son autorisation à tout moment.
Procédure en cas de refus ou retrait du consentement
L’entreprise doit respecter immédiatement le refus ou le retrait de consentement du salarié concernant l’utilisation de son image. En cas de refus, tout support de communication comprenant l’image du salarié doit être retiré ou modifié pour garantir son anonymat. Cela implique une vigilance constante de la part des employeurs pour s'assurer que les supports de communication sont mis à jour en temps réel pour éviter toute infraction.
La jurisprudence française est claire et sanctionne sévèrement le non-respect du droit à l’image. Une cour d’appel ne peut débouter des salariés de leur demande de dommages-intérêts simplement parce qu’ils ne démontrent pas l’existence d’un préjudice, dès lors que l’atteinte au droit à l’image est avérée. Par exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt récent (Cass. soc. 14 février 2024), a réaffirmé cette position qu’une atteinte au droit à l’image suffit à elle seule pour engendrer un droit à réparation, indépendamment d’un préjudice avéré. Le préjudice est ainsi automatique, et les juges du fond l’évaluent au cas par cas. Les sanctions peuvent inclure des dommages-intérêts substantiels, reflétant la gravité de l'atteinte au droit à l'image et les circonstances spécifiques de chaque cas.
Bonnes pratiques pour les employeurs en matière de droit à l'image
Intégration d’une clause de droit à l’image dans le contrat de travail
Pour éviter toute ambiguïté, les employeurs devraient intégrer une clause spécifique sur le droit à l’image dans le contrat de travail des salariés. Cette clause doit détailler les conditions d'utilisation, la durée de validité, les supports de diffusion, et les modalités de révocation du consentement. Une clause bien rédigée peut prévenir de nombreux litiges et assurer la conformité aux obligations légales.
Mise en place d’un système de suivi et de mise à jour des consentements
Les entreprises doivent mettre en place un système efficace de suivi et de mise à jour des supports de communication contenant des images de leurs salariés. Cela inclut la vérification régulière des contenus publiés sur les sites internet, les réseaux sociaux et les documents internes pour s'assurer qu'ils ne contiennent pas d'images de salariés ayant retiré leur consentement ou ayant quitté l'entreprise.
Pour vous aider à mieux apprendre le sujet, vous pouvez solliciter l'accompagnement d'un avocat spécialisé en droit du travail en ligne.