Le Conseil d’État se prononce sur l’acquisition de congés payés en cas de maladie non professionnelle
Après la Cour de cassation le 13 septembre 2023, c’est au tour du Conseil d’État de se pencher sur la question. Interpellé par le gouvernement contraint de se conformer au droit européen, le Conseil d’État vient de trancher le 11 mars 2024.
Il ouvre la porte à une réforme législative majeure : en cas d’arrêt de maladie non professionnelle, les travailleurs en arrêt maladie pourraient acquérir des congés payés avec un maximum de quatre semaines par an ! Cette acquisition de congés payés était tout bonnement impossible auparavant selon le Code du travail alors qu’une directive européenne de 2003 l’autorisait.
Des congés payés rétroactifs sur une période de trois ans ?
La Cour de cassation avait indiqué que ce nouveau droit pourrait être rétroactif. Voilà qui a été de nature à inquiéter les entreprises surtout celles comptant en leur sein des travailleurs en arrêt maladie de longue durée.
L’enjeu est important puisque pour chaque mois travaillé, un salarié obtient 2,5 jours de congés payés. Il est facile d’imaginer l’enjeu dans l’hypothèse d’un travailleur absent depuis plusieurs années en raison d’une maladie grave.
À retenir : Le Conseil d’État a indiqué que la future loi pourrait très bien ne pas être rétroactive, mais que se posait la question de la prescription. Avec ce point technique, la haute juridiction estime que les travailleurs ayant quitté leur employeur moins de 3 ans avant la loi à venir devraient pouvoir réclamer les congés payés gagnés pendant leur arrêt maladie. En ce qui concerne, les salariés toujours en place dans l’entreprise, cette durée serait réduite à 2 ans.
La question du report des congés payés
En interrogeant le Conseil d’État, le gouvernement a demandé s’il pouvait imposer un délai maximum de report des congés acquis avant ou pendant un arrêt maladie.
La juridiction administrative a estimé que cette durée devrait être d’au moins 15 mois afin de respecter la législation européenne.
Des indemnités calculées sur quatre semaines ? Voilà une autre question soulevée par l’avis du Conseil d’État qui prend la voie de calculer les indemnités sur une base de quatre semaines par an en lieu et place des cinq semaines de la législation française, plus favorable que le droit européen.
À quand l’amendement du gouvernement octroyant des congés payés en cas d’arrêt maladie non professionnelle ?
L’avis du Conseil d’État ne fait pas office de loi, c’est certain. Toujours est-il que le gouvernement a peu de marge de manœuvre en raison des arrêts de la Cour de cassation de septembre 2023.
Cela explique qu’une modification législative est attendue prochainement dans le cadre d’un projet de loi d’adaptation au droit de l'Union européenne appelé à être examiné à l’Assemblée nationale.
Si le contenu de la nouvelle législation n’est pas encore connu, on peut déjà en deviner les contours en se plongeant dans cet avis du Conseil.
Il n’en reste pas moins que les entreprises attendent des clarifications rapides puisqu’en attendant, les arrêts de la Cour de cassation sont d’application, que ce soit pour des situations passées ou futures.
Les conséquences comptables du nouveau droit aux congés payés en cas de maladie
Avec les bouleversements des règles relatives aux congés payés, les entreprises se voient imposer de nouvelles obligations et surtout des sorties de ressources au bénéfice de tiers sans contrepartie.
La difficulté est qu’avec les arrêts de travail survenus avant ces changements, les employeurs se trouvent confrontés à un risque inattendu. Effectivement, des salariés pourraient introduire des réclamations. Voilà qui est de nature à les contraindre les entreprises à constater des provisions pour litiges, des provisions au titre des charges de personnel voire à compléter la dette provisionnée pour congés à payer.
Les précisions du Conseil d’État sont une indication à prendre en compte, même si seule une précision juridique de la part du gouvernement pourra répondre aux préoccupations des entreprises. Cela porte notamment sur les questions du délai de prescription ou du report des congés.
Cela concerne tout particulièrement les arrêts maladie de longue durée, voire les situations litigieuses existantes. Il ne faut pas perdre de vue que les entreprises doivent veiller à ajuster leurs provisions liées aux congés payés pour les arrêts maladie déjà en cours et à venir, ce en plus de la dette provisionnée pour congés payés.