1. Qu’est-ce que l’abandon de poste ?
L’abandon de poste désigne une situation où un salarié cesse volontairement de se présenter à son travail, sans justification préalable ou sans en avertir son employeur. Contrairement à d’autres situations comme un arrêt maladie ou une demande de congés, cette absence n’est ni encadrée ni autorisée par l’entreprise. Elle se distingue ainsi des cas de force majeure, où l’absence peut être légitimement excusée.
Cas types d’abandon de poste
- Absence injustifiée pendant plusieurs jours consécutifs.
- Départ précipité du lieu de travail sans autorisation.
- Refus de reprendre le travail malgré une mise en demeure de l’employeur.
Attention : L’abandon de poste n’implique pas nécessairement un départ définitif. Il peut s’agir d’une absence temporaire non justifiée.
Le terme abandon de poste n’est pas explicitement défini dans le Code du travail. Cependant, il se rattache aux notions d’absence injustifiée et d’inexécution du contrat de travail par le salarié.
Principes applicables
- Article L1222-1 du Code du travail : "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi." Un abandon de poste peut être interprété comme une violation de cette obligation de bonne foi, car le salarié ne respecte pas son engagement à fournir une prestation de travail.
- Article L1232-1 du Code du travail : "Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse." En cas d’abandon de poste prolongé, l’employeur peut invoquer une faute grave pour justifier la rupture du contrat.
2. Quelles sont les conséquences juridiques de l’abandon de poste ?
L’abandon de poste n’est pas sans conséquence pour le salarié. Bien qu’il ne constitue pas une démission explicite, il peut donner lieu à des sanctions disciplinaires de la part de l’employeur.
Sanctions possibles
- Avertissement ou blâme : En cas d’abandon de poste occasionnel ou non réitéré.
- Mise à pied disciplinaire : Exclusion temporaire avec suspension de salaire.
- Procédure de licenciement pour faute grave : Si le salarié persiste dans son absence injustifiée.
L’employeur est tenu de suivre une procédure stricte avant d’engager un licenciement. Cette procédure inclut généralement :
- Une mise en demeure écrite demandant au salarié de justifier son absence ou de reprendre son poste.
- Un entretien préalable permettant au salarié de s’expliquer.
- Une notification de licenciement, précisant les motifs invoqués.
Faute grave et licenciement
Dans le cadre d’un abandon de poste prolongé, l’employeur peut invoquer une faute grave. Cette qualification entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ni indemnités de rupture, hormis les congés payés restants.
Présomption de démission (Réforme 2023)
Depuis la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 sur le marché du travail, un salarié absent de manière injustifiée peut être présumé démissionnaire.
Article L1237-1-1 du Code du travail :
"Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après mise en demeure de l’employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste… dans le délai fixé,…. est présumé avoir démissionné…"
Ce mécanisme vise à simplifier la gestion des abandons de poste, en évitant à l’employeur de recourir systématiquement à une procédure de licenciement.
3. Abandon de poste et droit aux allocations chômage
La question centrale pour de nombreux salariés est la suivante : l’abandon de poste ouvre-t-il droit au chômage ? La réponse dépend essentiellement des circonstances et du cadre juridique entourant la rupture du contrat.
Principe général : licenciement et droit au chômage
Pour percevoir les allocations chômage, le salarié doit avoir été involontairement privé de son emploi. Un licenciement pour abandon de poste, même pour faute grave, est considéré comme une perte involontaire de l’emploi. Ainsi, le salarié pourra, sous réserve de remplir les conditions d’éligibilité, bénéficier de l’assurance chômage. Le droit aux allocations chômage est régi par le Code du travail et les règles de l’Unédic. L’accès à l’indemnisation repose sur le caractère involontaire de la perte d’emploi.
Conditions d’éligibilité au chômage
- Avoir travaillé au moins 130 jours ou 910 heures au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les salariés de 53 ans et plus).
- Être inscrit comme demandeur d’emploi auprès de France Travail.
- Être activement à la recherche d’un emploi.
Risques d’une contestation par France Travail
Si l’abandon de poste est interprété comme une démission déguisée par France Travail, les droits au chômage pourraient être contestés. Toutefois, la jurisprudence tend à protéger les salariés en reconnaissant le caractère involontaire d’un licenciement, même consécutif à un abandon de poste.
4. L’abandon de poste comme stratégie de rupture
Dans certains cas, les salariés recourent délibérément à l’abandon de poste pour forcer l’employeur à engager une procédure de licenciement, notamment lorsqu’ils ne souhaitent pas démissionner (ce qui, rappelons-le, ne donne pas droit au chômage dans des conditions classiques).
Avantages de cette stratégie
- Obtenir un licenciement, donc bénéficier des allocations chômage.
- Éviter une démission classique, souvent perçue comme un acte volontaire de rupture.
Inconvénients et risques
- Procédure longue et incertaine : L’employeur n’est pas tenu de licencier immédiatement après un abandon de poste. Il peut opter pour un statu quo, laissant le salarié dans une situation inconfortable, sans salaire et sans rupture officielle du contrat.
- Sanctions disciplinaires : Les mentions d’abandon de poste sur le dossier professionnel peuvent compliquer la recherche d’un nouvel emploi.
- Conséquences financières : Pas de rémunération durant la période d’absence.
5. Réforme du droit du travail et impact sur l’abandon de poste (2023)
Les récentes évolutions législatives ont introduit des changements majeurs concernant l’abandon de poste. La loi "Marché du Travail", adoptée en décembre 2022, a instauré une nouvelle mesure essentielle : la présomption de démission en cas d’abandon de poste.
Qu’est-ce que la présomption de démission ?
Depuis cette réforme, un salarié en situation d’abandon de poste est considéré comme ayant démissionné s’il ne répond pas à une mise en demeure de l’employeur de reprendre son travail dans un délai imparti (généralement 15 jours). Cette présomption de démission vise à simplifier la gestion des absences prolongées.
Conséquences pour le salarié
Contrairement au licenciement, la démission ne donne pas droit aux allocations chômage, sauf situations exceptionnelles (démission légitime reconnue par France Travail). Cette mesure rend donc plus risquée l’utilisation de l’abandon de poste comme stratégie pour accéder au chômage.
6. Alternatives à l’abandon de poste pour rompre un contrat
Si vous souhaitez mettre fin à votre contrat de travail sans perdre vos droits au chômage, plusieurs solutions légales existent et sont généralement préférables à l’abandon de poste.
1. La rupture conventionnelle : Une solution avantageuse
La rupture conventionnelle, Prévue par l’article L1237-11 du Code du travail, permet à l’employeur et au salarié de se séparer d’un commun accord. Elle ouvre droit aux allocations chômage et offre une indemnité spécifique de rupture.
2. Les démissions légitimes ouvrant droit au chômage
Certaines démissions, qualifiées de légitimes, permettent de bénéficier des droits au chômage, voir Article L5422-1 et les textes de l’Unédic. Ces cas incluent notamment :
- Une mutation géographique du conjoint.
- Une situation de harcèlement moral ou sexuel.
- Un projet professionnel viable.
3. Négocier un licenciement : Une voie plus sécurisée
Dans certains cas, il est possible de négocier avec son employeur un licenciement amiable pour éviter le recours à une procédure d’abandon de poste, ce qui garantit l’accès au chômage.
7. Procédure légale pour licencier un salarié en abandon de poste
Avant de licencier un salarié pour abandon de poste, l’employeur doit respecter une procédure disciplinaire stricte.
1. Mise en demeure
L’employeur doit demander au salarié, par lettre recommandée, de justifier son absence ou de reprendre son poste. Cette étape est conforme à l’obligation de loyauté mutuelle inscrite à l’article L1222-5 du Code du travail.
2. Convocation à un entretien préalable
Si le salarié reste absent, l’employeur peut convoquer un entretien préalable au licenciement, en vertu de l’article L1232-2 du Code du travail.
3. Notification du licenciement
Après l’entretien, l’employeur doit notifier le licenciement par écrit en indiquant les motifs précis, conformément à l’article L1232-6 du Code du travail.
8. Que faire en cas de litige avec l’employeur ?
Si un différend survient à la suite d’un abandon de poste, il est conseillé de :
- Consulter un avocat spécialisé en droit du travail sur VISIOCONSEILSPRO, ce dernier pourra vous guider sur vos droits et les démarches à entreprendre.
- Saisir le conseil de prud’hommes, en cas de contestation du licenciement ou de litige sur les indemnités dues.