CONDITIONS DE VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE MOBILITÉ
La validité de la clause de mobilité repose sur des critères stricts établis par la jurisprudence. Ces critères visent à protéger le salarié contre les abus potentiels tout en permettant à l’employeur de répondre aux nécessités de l’entreprise.
- Critère de précision géographique
Pour être valide, la clause de mobilité doit définir clairement la zone géographique dans laquelle la mutation peut être appliquée. Une clause mentionnant une zone trop vaste ou indéfinie serait jugée nulle (Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, 7 juin 2006, n° 04-45.846). Par exemple, une clause stipulant que le salarié peut être muté "partout en France" serait considérée comme trop vague. En revanche, une clause précisant que la mobilité est limitée aux différents établissements de l’entreprise serait jugée acceptable. - Justification par les intérêts de l'entreprise
La clause de mobilité doit être justifiée par les intérêts de l’entreprise. Elle ne doit pas être utilisée de manière détournée pour sanctionner un salarié ou pour exercer une pression indue sur lui. Les intérêts de l’entreprise peuvent inclure des raisons économiques, la réorganisation de l’activité, ou encore l’ouverture de nouveaux sites. L’employeur doit être en mesure de démontrer la nécessité de la mobilité pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
- Respect de la vie personnelle et familiale du salarié
La clause de mobilité ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la vie personnelle et familiale du salarié. La jurisprudence a insisté sur le fait que l’employeur doit prendre en compte les implications de la mobilité sur la vie privée du salarié. Par exemple, une mutation qui nécessiterait un déménagement lointain, perturbant la vie familiale du salarié de manière excessive, pourrait être jugée abusive. Les juges vérifient ainsi que l’atteinte à la vie privée est proportionnée aux besoins de l’entreprise.
EFFETS DE LA CLAUSE DE MOBILITÉ
La modification du lieu de travail par le biais de la clause de mobilité prend la forme d’une mutation. Cette mutation est considérée comme une modification des conditions de travail et non du contrat de travail lui-même (Article L1222-6 du Code du travail). En conséquence, l’employeur n’a pas besoin de l’accord du salarié pour mettre en œuvre cette clause, sauf si la mutation entraîne des modifications substantielles du socle contractuel, comme une diminution de la rémunération ou un changement significatif des fonctions (Article L2261-1 du Code du travail).
MISE EN ŒUVRE DE LA CLAUSE DE MOBILITÉ
Lorsque l’employeur souhaite mettre en œuvre la clause de mobilité, il doit respecter certaines règles, notamment un délai de prévenance raisonnable. Ce délai est apprécié au cas par cas, en fonction de la distance de la mutation et des implications personnelles pour le salarié.
Le délai de prévenance doit permettre au salarié de s’organiser face à la mutation. Plus la distance géographique est grande, plus le délai doit être important. Ce délai doit également tenir compte des circonstances personnelles du salarié, telles que les obligations familiales ou scolaires des enfants.
Si la clause de mobilité est valide et que l’employeur a respecté le délai de prévenance, le salarié ne peut, en principe, refuser la mutation. Un refus injustifié peut entraîner des sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave (Article L1232-1 du Code du travail). Toutefois, le salarié peut refuser la mutation sans conséquence disciplinaire si l’une des conditions de validité de la clause n’est pas remplie, ou si le délai de prévenance est insuffisant.
Exceptions pour les salariés protégés
Les salariés exerçant des fonctions représentatives, dits "protégés", bénéficient d’une protection particulière. Ils peuvent refuser la mise en œuvre de la clause de mobilité sans risquer de sanctions disciplinaires. Cette protection vise à garantir l’indépendance et la liberté des représentants du personnel dans l’exercice de leurs fonctions (Article L2411-3 du Code du travail).
La jurisprudence continue d’affiner les conditions de validité et les modalités de mise en œuvre de la clause de mobilité. Par exemple, la Cour de cassation a rappelé que la clause de mobilité ne peut être utilisée pour sanctionner un salarié. Dans cette affaire, l’employeur avait tenté de muter un salarié en guise de représailles pour avoir exercé ses droits. La Cour a jugé cette mutation abusive et a annulé la clause de mobilité.
Dans une autre décision du 23 janvier 2020, la Cour de cassation a confirmé que la clause de mobilité ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la vie personnelle et familiale du salarié. Dans cette affaire, un salarié avait été muté à une distance considérable de son domicile, sans que l’employeur ne justifie de la nécessité impérieuse de cette mutation pour l’entreprise. La Cour a donné raison au salarié, estimant que la mutation portait une atteinte excessive à sa vie familiale.