Nullité des Clauses de Non-Concurrence Imprécises : Droits des Salariés et Obligations des Employeurs

Mélanie P.
Mélanie P. Comptable
Rédactrice chez Visio Conseils Pro
Mis à jour le 04/10/2024
Nullité des Clauses de Non-Concurrence Imprécises : Droits des Salariés et Obligations des Employeurs
Les clauses de non-concurrence sont couramment insérées dans les contrats de travail pour protéger les employeurs contre la divulgation de connaissances techniques ou commerciales acquises par leurs employés. Toutefois, ces clauses doivent être rédigées avec précision pour être valides. Un arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2019 (N° de pourvoi : 17-11.197) a rappelé que les clauses de non-concurrence imprécises sont nulles et non avenues.

Sommaire

Les conditions de validité des clauses de non-concurrence

Protection des intérêts légitimes de l’entreprise

Pour être valide, une clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. Cela signifie que l’employeur doit démontrer que sans cette clause, ses intérêts économiques seraient sérieusement menacés par l’utilisation des connaissances acquises par le salarié chez un concurrent.
Dans des secteurs hautement compétitifs comme les technologies de l'information, les services financiers ou le commerce de détail, les informations sensibles et les relations clients peuvent justifier une telle clause. Un employé possédant des informations stratégiques pourrait, en travaillant pour un concurrent, causer un préjudice significatif à son ancien employeur.

Limitation dans le temps : durée raisonnable exigée

La clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps. Une interdiction indéfinie n'est pas acceptable. La durée varie généralement entre six mois et deux ans, en fonction de la nature de l’emploi et des risques pour l’entreprise.
Une clause interdisant à un ancien employé de travailler pour un concurrent pendant trois ans serait probablement jugée excessive, sauf si des circonstances exceptionnelles le justifient. En général, une durée de 12 à 18 mois est considérée comme raisonnable.

Limitation dans l’espace : zones géographiques définies

La clause doit également être limitée dans l’espace. Elle doit définir précisément la zone géographique dans laquelle le salarié ne peut pas travailler pour un concurrent. Cette zone doit être proportionnée aux besoins de protection de l’entreprise.
Une interdiction couvrant l’ensemble du territoire national peut être disproportionnée pour un employé travaillant dans une région spécifique. Une limitation à une région ou à un rayon de 50 km autour du lieu de travail précédent est souvent plus appropriée.

Spécificité de l’emploi : champs d'application précis

La clause doit tenir compte de la spécificité de l’emploi du salarié. Elle doit être adaptée aux fonctions et aux responsabilités du salarié, et ne pas lui interdire de travailler dans des secteurs où il ne constituerait pas une menace pour son ancien employeur.
Interdire à un développeur de logiciels de travailler dans tout secteur utilisant des technologies informatiques serait trop large. La clause doit être restreinte à des fonctions similaires à celles exercées dans l'ancienne entreprise.

Contrepartie financière : obligation de compensation

La clause de non-concurrence doit prévoir une contrepartie financière au profit du salarié. Cette indemnité compense la limitation imposée au salarié et doit être proportionnelle à la restriction subie.
Une indemnité équivalente à 30 % du salaire brut du salarié peut être considérée comme raisonnable, selon les pratiques courantes. Cette contrepartie doit être clairement mentionnée dans le contrat de travail.

 

L’arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2019 : un tournant juridique

Dans l’affaire jugée le 13 mars 2019, un salarié engagé en qualité de conseiller clientèle dans une société avait signé un contrat de travail comprenant une clause de non-concurrence. Après sa démission, l’employeur lui a versé l’indemnité prévue par cette clause. Cependant, lorsque le salarié a rejoint un autre employeur, son ancien employeur l’a assigné en justice pour violation de l’obligation de non-concurrence, réclamant des dommages et intérêts.

Analyse de la décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a jugé que la clause de non-concurrence était nulle et non avenue car elle ne répondait pas aux conditions de précision requises. La clause stipulait que l’interdiction s’appliquait "sur le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels vous serez intervenu au cours de l'année précédant la cessation du présent contrat sur une zone géographique comprise entre les limites de ce ou de ces départements et une distance de 50 kms". Cette formulation a été jugée imprécise car elle ne permettait pas au salarié de connaître précisément l’étendue géographique de son obligation de non-concurrence.

Raisonnement juridique derrière la décision

La Cour a souligné que l'imprécision de la clause mettait le salarié dans l'impossibilité d'exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle. En effet, la clause ne définissait pas clairement les départements concernés, ni la zone géographique exacte de l'interdiction. Par conséquent, le salarié ne pouvait pas anticiper le périmètre de sa zone d’exclusion.
En outre, la présence d'une clause de mobilité dans le contrat de travail rendait encore plus imprévisible la portée de la clause de non-concurrence. La Cour a donc estimé que la clause litigieuse était imprécise et illégale, car elle ne permettait pas au salarié de prévoir avec certitude les conséquences de cette interdiction.

Conséquences de l’annulation de la clause de non-concurrence

Nullité de la clause : effets sur l'employeur et le salarié

La nullité de la clause de non-concurrence entraîne son inapplicabilité. L'employeur ne peut pas se prévaloir de cette clause pour empêcher le salarié de travailler pour un concurrent ou pour réclamer des dommages et intérêts en cas de violation.
Un employeur qui tente de faire valoir une clause de non-concurrence imprécise devant les tribunaux verra probablement sa demande rejetée, et le salarié pourra librement exercer son activité chez un concurrent.

Contrepartie financière : implications en cas d’annulation

Dans cette affaire, l’employeur n’a pas pu obtenir le remboursement de la contrepartie financière versée au salarié, même si ce dernier n’avait pas respecté l’obligation de non-concurrence. La raison en est que l’indemnité avait été versée en compensation d’une clause jugée nulle. La Cour de cassation a donc protégé les droits du salarié en considérant que l’indemnité versée restait acquise, malgré l’annulation de la clause.
Texte de loi pertinent : Selon les articles L1221-1 et L1237-1 du Code du travail, toute clause de non-concurrence doit comporter une contrepartie financière. En l'absence de cette contrepartie, ou si la clause est jugée nulle, l'indemnité versée reste due au salarié pour compenser la restriction de ses droits.

 

Exemples supplémentaires de nullité de clauses de non-concurrence

Imprécision géographique : enjeux et conséquences

Des clauses de non-concurrence qui utilisent des termes vagues ou des descriptions géographiques imprécises sont souvent annulées par les tribunaux. Par exemple, une clause interdisant à un salarié de travailler "dans le secteur" sans définir clairement ce secteur peut être jugée nulle pour manque de précision.
Une clause stipulant que l’interdiction s’applique "dans la région" sans préciser les départements ou les communes concernés pourrait être annulée.

Une durée excessive : limites et risques juridiques

Les clauses de non-concurrence imposant des durées excessives sont également sujettes à annulation. La durée doit être proportionnée aux risques pour l’entreprise et permettre au salarié de retrouver un emploi dans un délai raisonnable.
Une clause interdisant à un salarié de travailler pour un concurrent pendant cinq ans serait probablement jugée excessive et donc nulle.

Absence de contrepartie financière adéquate : cas de nullité

Une clause de non-concurrence sans contrepartie financière adéquate est nulle. L’indemnité doit compenser de manière juste la restriction imposée au salarié.
Si un contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence sans mentionner de compensation financière, cette clause sera automatiquement nulle.

 

Pour vous aider à mieux apprendre le sujet, vous pouvez solliciter l'accompagnement d'un avocat spécialisé en droit du travail en ligne.

 

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